Zao Wou-Ki
Le peintre poète
Artiste au croisement de plusieurs mondes, Zao Wou-Ki quitte la Chine en 1948 pour venir à Paris au moment où l’« art vivant » commence à se partager entre les États-Unis et la France. Son œuvre traverse les débats esthétiques qui marquent le développement de l’art moderne et, s’il appartient à une scène parisienne qu’il apprécie, il perçoit très tôt la vitalité de la peinture américaine. Progressivement, il renoue aussi avec certains traits de la peinture chinoise dont il s’était écarté de façon volontaire.
Zao Wou-Ki n’aime pas le mot « paysage » auquel il préfère celui de « nature ». Ses rapports avec le monde extérieur sont faits de découvertes et de voyages, de rencontres fécondes dont les premières furent avec Henri Michaux et le compositeur Edgar Varèse. Poésie et musique demeureront pour lui deux pôles d’attraction permanents, comme une tension nécessaire avec la peinture – donnant sens, à mesure que son art s’affirme, à l’expression que l’artiste a inspirée très tôt à Michaux : L’espace est silence.
« Il y a dans les œuvres de Zao Wou-Ki une unité dans la composition qui en fait autre chose qu’un art informel. L’étendue de ses espaces et la manière dont les différentes parties de tableaux sont liées font que jamais l’œil ne se lasse, comme si les formes et les couleurs suivaient la mobilité des pensées qui accompagnent tout regard, anticipant le flux et le reflux. Ce sont des qualités qui apparentent sans doute la peinture de Zao Wou-Ki à la composition musicale, ou l’oreille de l’auditeur est requise sans être maltraitée, ou la rêverie est suspendue pour suivre un chemin qui n’est jamais exactement le même. La fréquentation des tableaux n’est plus celle des images. L’invention de la photographie a libéré l’art de l’imagerie et la métamorphose en un fauve qui porte le nom un peu encombrant d’art moderne. »
Extrait de la préface de Fabrice Hergott, directeur du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
Sidney Waintrob, Zao Wou-Ki dans son atelier de la rue Jonquoy en 1967, devant les peintures 29.09.64 et la première version de 21.09.64, 1967
Zao Wou-Ki © ADAGP, Paris 2018
Photo Sidney Waintrob, Budd Studio
© David Stekert, Budd Studio, 2018
Biographie
Zao Wou-Ki (1920, Chine-2013, Suisse)
1920
1er février : naissance de Zao Wou-Ki à Pékin. Son prénom signifie « sans limites ».
Sa famille s’installe à Nantung, près de Shanghai. Son grand-père l’initie à la culture des lettrés.
1935
Entre à l’École des Beaux-Arts de Hangzhou et s’oriente vers la peinture occidentale.
1941
Commence à y enseigner et se marie avec Xie Jinglan, dite Lan-Lan, étudiante au Conservatoire.
Première exposition à Chongqing, où l’école a déménagé, poussée par l’armée japonaise.
1946
Vadime Elisseeff, alors attaché culturel, repère son travail. Devenu conservateur adjoint au musée Cernuschi, il l’inclut dans sa première exposition de peintures chinoises contemporaines et l’incite à venir en France.
1948
Zao Wou-Ki et Lan-Lan s’installent à Paris, dans le quartier de Montparnasse. Premières visites au Louvre.
1949
Premier atelier, rue du Moulin-Vert. Il a pour voisin Alberto Giacometti.
Première exposition personnelle en France, galerie Creuze. Bernard Dorival, conservateur au Musée national d’art moderne, préface le catalogue.
Création de la République populaire de Chine (1er octobre).
1950
Publication de Lecture par Henri Michaux de huit lithographies de Zao Wou-Ki, poèmes écrits avant la rencontre des deux hommes.
1951
Entre à la galerie Pierre (galerie de Pierre Loeb, rencontré grâce à Michaux). Séjourne en Suisse. À Berne, il prend la pleine mesure de l’œuvre de Paul Klee.
1954
Assiste à la création de Déserts du compositeur Edgar Varèse, avec qui il se lie.
1957
Première exposition à la Galerie de France.
Zao Wou-Ki et Lan-Lan se séparent. Il voyage pendant plus d’un an, des États-Unis à Hong- Kong, où il rencontre Chan May Kan (May) qu’il épouse en 1958.
La Kootz Gallery le représente à New York (jusqu’en 1965).
1959
Nouvel atelier, rue Jonquoy.
1960
Expose à la Biennale de Venise.
1964
Obtient la citoyenneté française.
1971
Achat de 06.01.1968 par Jacques Lassaigne, conservateur en chef du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris.
1972
Mort de May (10 mars). Il retourne pour la première fois en Chine depuis 1948.
1973
Rencontre Françoise Marquet, qu’il épousera quatre ans plus tard.
1977
Exposition de grands formats à la Fuji Television Gallery de Tokyo.
1981
Exposition au Grand Palais, à Paris. L’exposition est reprise au Japon, à Hong-Kong et à Singapour.
1983
Exposition au Musée national historique de Taipei.
Première exposition en Chine depuis son départ, à Pékin et Hangzhou
1984
Mort d’Henri Michaux (19 octobre).
1985
Long séjour en Chine. À Hangzhou, Zao Wou-Ki est invité à parler de sa pratique à des professeurs d’écoles d’art.
1986
Exposition à la Pierre Matisse Gallery, à New York.
1988
Publication d’Autoportrait, écrit avec Françoise Marquet-Zao. 1994
Prix impérial de peinture du Japon.
1998-1999
Rétrospective à Pékin, Shanghai et Canton.
2002
Élection à l’Institut de France.
2003
Rétrospective au Jeu de Paume, à Paris.
2010
Présentation du triptyque Hommage à Claude Monet dans le pavillon français de l’Exposition universelle de Shanghai.
Inauguration des vitraux du prieuré Saint-Cosme, près de Tours.
2013
9 avril : mort de Zao Wou-Ki à Nyon (Suisse).