Pierre Ollier

Voyageur solitaire en quête de paysages vides et reculés, Pierre Ollier nous entraine, avec sa série C.L.I.N.T.E.A.S.T.W.O.O.D, dans le désert de Tabernas en Espagne. Un territoire de plus de 280 km2 qui, en raison de ses similitudes avec les déserts de l’Ouest américain et arabes, a servi à partir des années 50 de décors à ciel ouvert pour le tournage de nombreux films et westerns. Mondialement connu, notamment pour les films de Sergio Leone, Tabernas entretient un lien étroit avec le cinéma. Des figurants sont toujours là, et les décors sont invariablement en place pour attirer les touristes.
Séquencées pour former une narration presque cinématographique, les images de Pierre Ollier sont d’une troublante beauté et relèvent plus de la quête identitaire que du road movie. On y devine le silence et la solitude du photographe/narrateur qui attend le moment propice pour fixer cette lumière poudreuse et dorée si particulière. Est-ce la réalité du désert de Tabernas qui est ici photographiée ou bien l’écho d’un souvenir, celui de la fascination de tant de générations pour l’âge d’or du cinéma ?
Un lien mystérieux semble se tisser entre ce territoire sauvage et ces hommes qui semblent figés dans un « replay » d’une autre époque. Nous sommes en Espagne et pourtant c’est l’imagerie hollywoodienne qui se déverse sur cette terre désertique.  Parmi les décors usés, la figure du « lonesome cowboy » apparait, fugace, presque désincarnée.
La série C.L.I.N.T.E.A.S.T.W.O.O.D. est à l’image du panneau monumental d’Hollywood sur le Mont Lee. Érigé dans un paysage splendide, il est l’empreinte de la démesure de l’homme. Son nom déclenche le rêve. Monumentales, les lettres s’étirent sur la colline comme un affront à la nature. Pourtant, elles n’en sont pas moins fragiles. Toujours rongées par la rouille, mais éternellement repeintes pour entretenir le rêve, elles portent en elles la menace de l’effondrement. Entre fiction et réalité, les images de Pierre Ollier évoquent la duplicité du désert de Tabernas et nous interrogent sur le sens et l’identité de ce territoire.

mai 2017, O. Goutal